L'actualité en France et dans le monde il y à 60 ans en 1963.
Journal paris match 1963 daté du 30 novembre. N° 784 avec JFK en une de couverture.
L'assassinat du président américain John Kennedy. La mort vient de grandir un homme aux yeux du monde entier, et même devant ses adversaires. A 22 heures 26, heure locale, la radio de Moscou interrompait brusquement ses émissions pour un " flash " annoncé par ses mots : " Très triste nouvelle. " A cette douleur universellement ressentie s'ajoute un sentiment d'effroi : Qu'adviendra- t-il ailleurs si, dans une nation apparemment si préservée, un homme qui croyait à l'avenir, à la jeunesse, à la bonne volonté, tombe, comme le premier aventurier venu de la politique, sous les balles d'un quelconque assassin ? Comme Lincoln qui, il y à juste 100 ans, abolissait l'esclavage, il était optimiste au point de refuser de croire à l'assassinat comme mode d'expression politique. Il a, comme Lincoln, payé de sa vie cette erreur. C'est pourtant cette erreur qui fait de l'ex enseigne de vaisseau Kennedy, mort le 22 novembre 1963, " au service de son pays " selon le général de gaulle, u héros pour la terre entière. La balle qui l'a tué, a raté ce qu'il voulait incarner : l'espoir.
En 1953, il épouse une journaliste qui l'interviewait. John Kennedy venait d'être élu à trente cinq ans sénateur du Massachusetts lorsqu'une jeune reporter photographe américaine au nom Français, jaqueline Bouvier, lui demanda une entrevue. Quelques jours plus tard, l'interviewé emmenait l'enquêteuse danser dans le salon bleu d'un grand hôtel de Washington. Ils se revirent souvent chez Bob Kennedy, frère cadet de John, qui organisait avec sa femme Ethel des soirées de jeu d'échec et de monopoly. Un jour, ils décidèrent de se fiancer. Mais ils durent retarder d'une semaine l'annonce officielle : Un magazine venait de publier un grand article sur le jeune sénateur avec ce titre : " John Kennedy, le joyeux célibataire du sénat. " Ils se marièrent à la campagne le 13 septembre 1953, John offrit un parapluie à ses garçons d'honneurs et Jackie à ses demoiselles d'honneur un cadre d'argent. Puis le fiancé, très pince-sans-rire, fit un discours par lequel il révéla pourquoi il avait décidé d'abandonner le célibat. " Jackie, dit-il, devenait une trop bonne journaliste, elle aurait pu devenir une menace pour ma carrière. J'ai préféré qu'elle devienne ma femme.
Une seule balle et tout va se briser. Une voiture traverse une ville en fête. Est-ce Sarajevo ? Pas encore. Comme jadis l'archiduc, John Kennedy sourit. Il se rend à un déjeuner que le conseil des citoyens de Dallas offre en son honneur. Jacqueline est à ses cotés ainsi que le gouverneur du Texas John Connaly. C'est la première fois depuis la mort de leur enfant qu'ils se rendent ensemble à une cérémonie publique. Il est 12h30. Quelque part dans la foule, un tireur à mis son fusil en position ; il suit à travers la lunette la marche de la voiture. Il a le doigt sur la détente. John Kennedy va mourir....Tout vit, tout respire. Le bonheur est encore de ce monde. Mais avant que la balle n'atteigne le président, quelques millièmes de seconde vont s'écouler - un infini figé sur deux sourires.
Trois coups de feu éclatent. Brusquement dans la foule c'est l'effroi qui succède à la joie. Les spectateurs se jettent à terre par crainte d'une nouvelle rafale. Le président s'effondre contre sa femme. Il est blessé à la tête et au cou. Une autre balle atteint le gouverneur du Texas. Le chauffeur de la limousine présidentielle, sous le coup de la stupeur, a d'abord ralenti, puis accélère et se rend directement à l'hôpital de Parkland. Aussitôt les agents spéciaux chargés d e la sécurité du président dégaine leurs armes. Mais les gardiens les mieux entrainés ne peuvent que rester impuissants devant la minutie de la mise au point de l'attentat. Depuis plusieurs jours, l'itinéraire présidentiel était publié dans les journaux de Dallas. Le long du parcours, près de l'entrée d'un tunnel, se trouve un bâtiment qui sert de dépôt aux publications scolaires de la ville. Il n'est éloigné de la route que d'une centaine de mètres. Là, au quatrième étage, les policiers ont retrouvé l'arme abandonnée derrière une pile de livres ; un fusil à lunette. Pendant que la ville s'emplit du vacarme des sirènes, le président, seul président catholique de l'histoire des Etats Unis, reçoit les derniers sacrements et s'éteint malgré les transfusions sanguines. Il est 13 h : Il n'a pas repris connaissance.
Le monde entier est soudain inquiet. Jamais depuis que les Etats Unis existent, la mort d'un président n'a choqué, ému, bouleversé à ce point le reste du monde. Obscurément, tous les peuples sentent que la marche funèbre de Dallas les concerne au plus près. Paris a vécu, toute une nuit, l'oreille collée aux transistors. Radio Moscou a changé ses programmes et la Pravda est sortie avec trois heures de retard parce qu'on avait modifié sa mise en pages. Une nouvelle inquiétude tenaille le monde. Que restera t-il de l'équilibre savant et fragile que Kennedy et Kroutchev avaient établi sur les ruines de la guerre ? Les accords atomiques de Moscou, la paix blanche de Cuba, tout cela, à l'heure qu'il est, semble menacé. Et dans les champs de coton du sud profond, les noirs regardent le ciel, inquiets d'y voir apparaitre les trainées sombres de l'orage.
Cent ans après Lincoln, il meurt comme un soldat sous le feu. Dans ses mains se trouvaient réunis les plus grands pouvoirs du monde ; d'un geste John Kennedy pouvait apaiser les passions de l'Amérique du sud, secourir les pays récemment émancipés, décider du sort de la paix depuis l'extrême orient jusqu'à Cuba. Avec sa politique de la nouvelle frontière, il avait entrepris de donner aux américains une âme de pionniers. Il du affronter un obstacle contre lequel les efforts de ses prédécesseurs étaient venus se briser : La ségrégation. John Kennedy avait lutté pour établir l'égalité des droits entre tous les citoyens. Un an avant l'attentat, il était allé rendre hommage à la mémoire de Lincoln, qui avait aboli l'esclavage, et qui avait été aussi le premier président des Etats Unis à tomber sous les balles d'un fanatique. Kennedy avait voulu montrer par là qu'il obéissait au même idéal que son illustre prédécesseur, mais il ne se doutait pas, qu'ayant choisi son exemple, il allait aussi épouser son destin : mourir pour la liberté, selon le mot de de Gaulle " comme un soldat sous le feu ".
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